CHAPITRE DOUZE

L’huissier de l'Amirauté ouvrit la porte du bureau et s'inclina devant le grand amiral aux cheveux sombres qui la franchit, puis il la referma derrière lui. L'amiral des verts Lord Hamish Alexander s'approcha des immenses baies vitrées pour contempler les flèches aux reflets éblouissants et les tours aux teintes pastel de la cité d'Arrivée, capitale du royaume stellaire de Manticore.

Les eaux bleu marine de la baie Jason, en réalité une mer intérieure de plusieurs centaines de kilomètres de long, s'étendaient jusqu'à l'horizon méridional, étincelantes sous les feux de Manticore A, et, malgré l'air conditionné du bureau, l'amiral sentait la chaleur du soleil sur son visage à travers le plastique isolant des fenêtres. Il appréciait la température extérieure, bien qu'elle soit élevée au point d'en devenir presque désagréable, car il arrivait de la propriété de sa famille, dans le duché de HautSligo, et c'était l'hiver dans l'hémisphère nord de Manticore. Arrivée, en revanche, était située à moins de quinze cents kilomètres de l'équateur, et une verdure brillante ondulait dans la brise de l'autre côté de la baie constellée de voiles.

Il se détourna des fenêtres, les mains dans le dos, et examina le bureau du Premier Lord des Forces spatiales. La pièce était lambrissée de bois indigène aux tons clairs, ce qui ne constituait pas l'extravagance que c'eût été sur un monde intérieur, et il y avait une cheminée dans un angle, fonctionnelle et pas seulement ornementale; ça, en revanche, se dit Alexander, c'était une extravagance. Le siège de l'Amirauté était un bâtiment vieux de plus d'un siècle et demi manticorien et d'un peu plus de cent étages, édifice modeste pour une civilisation qui connaissait l'antigravité, mais le conduit de cet âtre devait traverser une trentaine d'étages de puits d'aérage et de ventilation. On ne pouvait que rester stupéfait devant l'opiniâtreté de celui qui avait conçu ce bâtiment, surtout dans un climat qui exigeait bien davantage l'air conditionné que le chauffage.

Il eut un petit rire et regarda sa montre. Le Premier Lord des Forces spatiales était en retard – rien d'extraordinaire chez un homme aussi occupé – et Alexander se mit à déambuler sans hâte dans le bureau familier en observant les maquettes de vaisseaux stellaires et les portraits démodés à l'huile et à l'acrylique de vieux amis, avec lesquels il refit connaissance, et de nouvelles têtes.

Il admirait le détail d'une réplique d'un mètre de long du HMS Manticore, orgueil de la Flotte, lorsque la porte s'ouvrit derrière lui. Il se retourna et son visage rugueux s'éclaira d'un sourire en voyant apparaître l'amiral Sir James Bowie Webster. Le Premier Lord avait le menton Webster et il eut un grand sourire en serrant fermement à deux mains la poigne d'Alexander.

Hamish ! Vous avez l'air en forme, à ce que je vois. Désolé de vous obliger à sortir de chez vous si près de l'anniversaire d'Emily, mais il fallait que je vous parle.

  C'est ce que j'ai cru comprendre », répondit sèchement Alexander tandis que Webster lui lâchait la main et s'effondrait sans grâce dans son fauteuil. Négligeant l'offre d'un autre siège, Alexander s'assit sur un coin du bureau, assez grand pour servir de pas de tir à une navette.

« À propos, comment va Emily ? Et votre père ? demanda Webster dont le sourire s'était un peu éteint, et Alexander haussa les épaules.

  Aussi bien qu'on peut l'espérer, l'un comme l'autre. Le docteur Gagarian a une nouvelle thérapie qu'il veut faire essayer à Emily, et Père supporte l'hiver couci-couça, mais... »

Il haussa encore une fois les épaules, comme un homme qui tâte une vieille blessure et trouve inchangée la douleur familière, et Webster hocha la tête sans rien dire. Le père d'Alexander, le comte de Havre-Blanc, douzième du nom, avait près de soixante-quatre ans – soit plus de cent dix années T – et faisait partie de la dernière génération pré-prolong; il ne lui restait sans doute guère d'hivers à vivre. Quant à lady Emily Alexander, son histoire était une des plus grandes tragédies de Manticore, que Webster – comme toute personne qui la connaissait personnellement et comme des milliers de gens qui ne l'avaient jamais rencontrée – ressentait comme la sienne propre. Autrefois portée aux nues comme la plus grande actrice d'holothéâtre du royaume, elle demeurait une de ses dramaturges et productrices les plus aimées et les plus respectées, mais elle avait dû quitter la scène de l'HT à la suite d'une collision d'aérocar qui l'avait laissée totalement invalide. Ses nerfs endommagés refusaient obstinément greffes et régénération, et même la science médicale moderne était impuissante à reconstruire les centres locomoteurs détruits.

Webster retint l'expression bien inutile de sa sympathie, qui ne ferait que mettre son ami mal à l'aise, et, se reprenant, observa l'officier qui se tenait devant lui. Hamish Alexander avait quarante-sept ans – un peu plus de quatre-vingts années standard – et, bien qu'il parût le tiers de l'âge de son père, de récentes rides de souci se dessinaient autour de ses yeux et de nouveaux fils blancs ornaient ses tempes.

« Et votre frère ?

  L'Honorable Willie ? » Hamish se dérida aussitôt et dans ses yeux naquit une étincelle rieuse. « Notre noble Lord de l'Échiquier est en excellente forme ! Il ne m'a pas caché le fond de sa pensée – exprimée de façon très crue – sur le prochain budget de la Flotte.

  Il le trouve trop élevé ?

  Non, il prévoit simplement de passer un mauvais quart d'heure à essayer de le faire approuver par le Parlement. Mais enfin, il doit commencer à s'y habituer.

  Je l'espère, parce que celui de l'année suivante sera probablement pire, fit Webster en soupirant.

  J'imagine. Mais je ne pense pas que vous m'ayez fait venir pour entendre les réflexions de Willie sur le budget, Jim. Qu'y a-t-il ?

  À vrai dire, d'une certaine façon, je voulais effectivement sonder Willie – à travers vous – à propos d'une question récemment apparue. Ou plutôt non, pas tant Willie que le gouvernement dans son ensemble.

—Vous commencez à m'inquiétez.

  Ce n'est peut-être pas inquiétant, mais complexe, certainement. » Webster se passa la main dans les cheveux avec une expression tourmentée qui ne lui ressemblait pas. « Il s'agit du poste de Basilic, Hamish.

  Oho » murmura Alexander. Il balança une jambe en contemplant le bout de sa botte impeccablement cirée. Politiquement, Basilic était depuis toujours une affaire épineuse, et, considérant le point de vue du Premier Lord actuel sur le système, rien d'étonnant à ce que Webster cherche à connaître discrètement – et officieusement – la position du gouvernement sur la question sans y impliquer son supérieur civil.

  Oho, comme vous dites, fit Webster d'un ton acide. Vous savez ce qui se passe là-bas ?

  J'ai cru comprendre que ça s'agitait un peu. » Alexander haussa les épaules. « Rien de précis, seulement des rumeurs sans doute exagérées.

  Dans le cas présent, peut-être ne sont-elles pas si exagérées que ça. » Le ton de Webster fit lever les sourcils à Alexander, et le Premier Lord des Forces spatiales fit la grimace. Il plongea la main dans un tiroir de son bureau et en tira un respectable paquet de puces à messages.

« Hamish, ce que vous voyez là, ce sont quatorze protestations officielles émanant de l'ambassadeur havrien, six du consul havrien de Basilic, seize de divers cartels marchands aussi bien manticoriens qu'étrangers, et les déclarations sous serment de neuf capitaines de navires marchands havriens qui se disent victimes de harcèlement et de fouille illégale de leur vaisseau. J'ai également, ajouta-t-il d'un ton presque indifférent, cinq déclarations similaires de la part de capitaines non havriens et trois plaintes pour "menaces injustifiées d'emploi d'armes meurtrières" proférées par des officiers de la Flotte. »

À mesure qu'avançait l'inventaire des messages, les sourcils d'Alexander étaient montés presque à la rencontre de la racine de ses cheveux. Il cilla. « On dirait que ça s'agite vraiment, murmura-t-il.

  C'est le moins qu'on puisse dire.

  Eh bien, contre qui sont dirigées ces protestations et ces déclarations sous serment?

  Elles concernent une certaine Honor Harrington, capitaine de frégate.

  Comment ? » Alexander gloussa soudain. « Celle qui a descendu Sebastian d'une seule bordée ?

  Elle-même », acquiesça Webster avec un sourire involontaire. Il se reprit. « Pour le moment, le capitaine Harrington fait fonction d'officier commandant au poste de Basilic.

  Elle fait quoi ? Nom de Dieu, qu'est-ce qu'un officier capable de réussir une manœuvre pareille fabrique au poste de Basilic ?

  Je n'y suis pour rien, protesta Webster. C'est tombé d'en haut, pourrait-on dire, après que la géniale stratégie de Sonja est partie en eau de boudin pendant le reste des exercices de la Flotte.

  Ah ! Elle a donc préféré balayer son erreur sous le tapis, sans s'occuper du prix à payer pour l'officier qui l'avait appliquée ? » Le mépris d'Alexander était évident et Webster haussa les épaules.

«Je sais que vous n'aimez pas Sonja, Hamish; d'ailleurs, je n'ai moi-même qu'une affection limitée pour elle, mais je crois que cette fois elle n'y était pour rien non plus. À mon avis, c'est Janacek. Vous savez à quel point ce vieux réactionnaire de... » Webster s'interrompit soudain. « Enfin, vous savez qu'il veille aux intérêts de la famille.

  Hum. » Alexander hocha la tête et Webster haussa de nouveau les épaules.

« Bref, il m'a fait part de ses désirs, et j'étais trop occupé à barguigner avec lui à propos de la nouvelle aile d'ingénierie de Saganami pour dire non.

  D'accord, mais pourquoi un capitaine de frégate est-il commandant? Il faudrait qu'elle soit au moins capitaine de vaisseau.

  Je le reconnais. » Webster inclina son fauteuil en arrière. « Que savez-vous de Pavel Young ?

  Qui ça ? fit Alexander en battant des paupières, égaré par l'apparent coq-à-l'âne. Le fils de Nord-Aven, vous voulez dire ?

  C'est ça.

  Pas grand-chose – et le peu que j'en sais ne me plaît pas. Pourquoi ?

  Parce que, normalement, c'est le capitaine de vaisseau Lord Pavel Young qui est commandant de Basilic. Malheureusement, son bâtiment nécessitait un "radoub urgent" et il a jugé les travaux trop compliqués pour les laisser aux soins de son second. Il est donc rentré sur Manticore – en abandonnant Harrington et un seul croiseur léger au poste. »

Alexander le dévisagea d'un air incrédule et Webster rougit sous son regard abasourdi.

« Jim, je vous connais depuis de longues années, dit enfin Alexander. Alors, si vous m'expliquiez pourquoi vous ne l'avez pas relevé de ses fonctions ?

  Pour des motifs de politique, fit Webster en soupirant. Vous devez bien vous en douter. C'est une des raisons pour lesquelles je veux vos impressions sur la manière dont le gouvernement va réagir à cette affaire, selon vous. J'ai ces fichus Havriens qui crient vengeance, une demi-douzaine de cartels – menés par celui de Hauptman – plus excités qu'un boisseau de puces, la comtesse Marisa qui s'apprête à combattre le budget de la Flotte bec et ongles, soutenue par ces satanés "Hommes Nouveaux", et vous savez comme moi que, politiquement, Nord-Aven est une grosse pointure ! J'ai fait ce que j'ai pu pour dégager Young en touche. Mais croyez-vous vraiment que le duc me remerciera si je fous l'Association conservatrice en pétard à un moment pareil en mettant à pied le fils préféré et gâté-pourri du numéro deux de Haute-Crête ?

  Non, sans doute », reconnut Alexander au bout d'un moment; mais cet aveu lui laissa un goût amer dans la bouche. La majorité de l'aristocratie manticorienne respectait une tradition de service public alimentée par un puissant sentiment denoblesse oblige*; ceux qui n'y obéissaient pas étaient parmi les plus égocentriques et les plus intolérants de l'univers connu, et l'Association conservatrice du baron Michael de Haute-Crête leur servait de repaire. Le but avoué de l'Association était de « rétablir l'équilibre historique du pouvoir tel que le concevaient nos fondateurs » entre la noblesse et la roture arrogante – équilibre qui, comme le savait pertinemment Alexander, n'avait jamais existé que dans leurs fantasmes.

* En français dans le texte.

Il rumina un instant ses réflexions puis fronça les sourcils. « À quoi ressemble ce Young ?

  C'est un petit morveux suffisant qui ne pense qu'à couchailler, doublé d'un incompétent à l'esprit rétréci », répondit Webster du tac au tac, et son visiteur réprima un petit sourire. Un vrai petit Nord-Aven.

  Je veux bien le croire, s'il s'est déchargé de ses responsabilités sur un officier moins gradé pour regagner en vitesse la civilisation.

  C'est plus moche que ça, Hamish, bien plus moche. » Alexander haussa les sourcils et Webster eut un geste agacé. « À moins que je ne me trompe, en laissant Harrington sur place, il s'est arrangé pour qu'elle ruine sa carrière.

  Qu'est-ce qui vous fait penser ça?

  Il y a beaucoup de rancœur entre eux depuis le temps où ils étaient à l'Académie. J'ignore les détails – c'était Hartley le commandant à l'époque et vous savez comme il est difficile de lui tirer les vers du nez –, mais Young a écopé d'une réprimande officielle pour conduite inconvenante. Il saute sur les femmes comme un maxikodiak sur un bison de Beowulf, à l'imitation de son père et de ses deux frères, et, semble-t-il, il n'a pas accepté qu'elle refuse ses avances. Si j'ai bien compris, ça a dégénéré.

  Vous voulez dire qu'il... ? » Alexander se leva à demi du bureau avec une expression menaçante, mais Webster l'immobilisa d'un sourire.

« J'imagine qu'il a essayé, mais Harrington est originaire de Sphinx. » Les yeux d'Alexander se mirent à pétiller et Webster hocha la tête. « En plus, elle était seconde de l'équipe de démonstration de combat à mains nues en dernière année. D'après les renseignements que j'ai pu glaner, c'est lui qui a commencé, mais c'est elle qui a fini. » Son sourire s'effaça. « Voilà pourquoi il lui a collé le poste de Basilic sur le dos, et je crains fort qu'il n'ait réussi à la coincer.

  Comment ça? Sur quoi portent tous ces messages de protestation ?

  Personne n'a prévenu le capitaine Harrington, dirait-on, que le poste de Basilic, c'est là que nous envoyons tous nos incompétents et nos ratés. Elle n'a qu'un seul bâtiment, mais ça ne l'empêche pas d'appliquer à la lettre les réglementations commerciales au trafic de Basilic. Et, par-dessus le marché, au cours des trois dernières semaines, elle a largué pour quelques centaines de millions de dollars de sondes de reconnaissance pour couvrir le système intérieur tout entier, mis sur pied un système de contrôle du trafic spatial dirigé par la Flotte autour de Méduse et enfin pris à sa charge les services douaniers dont l'API s'occupait jusque-là. Pour tout dire, elle fait un tel ramdam que, d'après l'amiral Warner, Young n'apprécie plus tellement le congé qu'il s'est octroyé et il commence à essayer d'expédier ses réparations pour retourner là-bas mettre le holà. À mon avis, il craint d'avoir créé un monstre qui risque de l'entraîner dans sa chute, avec ou sans protection. Malheureusement, les gars et les filles de Warner, sur l'Héphaïstos, ont ouvert le bâtiment de Young comme une vieille boîte de singe; je n'ai pas de certitude, mais j'ai la nette impression que Warner fait traîner le radoub rien que pour le plaisir de voir Young sur les charbons ardents; et, comme notre jeune Nord-Aven ne peut pas repartir en laissant son vaisseau sur place sans avouer sa petite manigance, il est bel et bien coincé.

  Grands dieux ! fit Alexander en mesurant ses termes. Voudriez-vous dire qu'il y a enfin un commandant qui fait son boulot au poste de Basilic ? C'est extraordinaire !

  Oui, elle fait son boulot et même sacrément bien, autant que je puisse en juger, mais c'est justement à ce propos qu'on m'adresse tout ça. » Webster indiqua les puces à messages. « Elle a placé des détachements dans tout le système, et celui ou celle à qui elle a confié les inspections du terminus ne plaisante pas du tout. Il applique à tout le monde, et je dis bien tout le monde, les règlements jusqu'au moindre chapitre et alinéa, et je ne pense pas qu'il le ferait sans le soutien exprès d'Harrington. Naturellement, les Havriens sont montés sur leurs grands chevaux, mais il impose les mêmes inspections à nos propres navires marchands; rien que ça suffirait à remettre à leur place toutes les maisons commerciales du royaume après la liberté totale dont elles ont toujours joui là-bas, mais ce n'est pas le pire. Vous rappelez-vous les rumeurs sur des opérations de contrebande qui transiteraient par Méduse ? » Alexander hocha la tête et Webster sourit d'un air lugubre. « Eh bien, les équipes d'inspection orbitales d'Harrington ont saisi pour plus de cent millions de dollars de matériel frauduleux – aux dernières nouvelles – et elle a lancé des procédures de jugement et de condamnation à l'encontre des propriétaires. Et, au passage, elle a épinglé le cartel Hauptman alors qu'il essayait de passer en fraude des fourrures de maxikodiak par Méduse et lui a remis une citation à comparaître. Elle a saisi un cargo de quatre millions de tonnes et demie affrété par Hauptman – le Mondragon – et l'a fait mettre sous équipage de prise, sacré nom de Dieu!

-- Oh là là ! » Alexander se tenait les côtes dans un vain effort pour s'empêcher d'éclater de rire à l'idée de la pagaille que la fameuse Harrington devait laisser dans son sillage.

  Vous trouvez peut-être ça drôle, grommela Webster, mais Klaus Hauptman en personne s'est présenté à mon bureau en jurant ses grands dieux que ses employés étaient innocents comme l'agneau qui vient de naître, que la faute en incombait au seul capitaine du Mondragon et qu'Harrington ne cessait de harceler ses autres affrètements, tout à fait légaux ceux--là. Il veut sa tête et les Havriens sont en train de lui affûter une hache avec toutes leurs "protestations" ! Ce qui arrive à leur trafic au niveau du nœud les énerve déjà, mais vous connaissez leur position officielle quant à notre annexion de Méduse. Leur consul est au bord de l'apoplexie lorsqu'il parle de "fouilles totalement illégales de navires marchands en règle durant leurs activités commerciales légitimes avec une planète indépendante". Cette affaire contient tous les ingrédients d'un incident diplomatique de première classe et ça ne va pas en s'arrangeant.

  Les Havriens peuvent aller se faire foutre ! s'exclama Alexander, oubliant de rire cette fois-ci. Et Hauptman aussi ! Pour moi, j'ai l'impression qu'Harrington fait exactement ce que nous aurions dû faire depuis des années, Jim !

  Ah oui ? Et vous croyez que Sir Edward Janacek partagera votre point de vue ?

  Non, maïs ce n'est pas une raison pour tomber à bras raccourcis sur Harrington parce qu'elle fait son boulot. Crénom, d'après ce que vous me dites, Young a tout fait pour la poignarder dans le dos ! Vous voulez le faire à sa place ?

  Bien sûr que non ! » Webster se passa de nouveau la main dans les cheveux. « Merde, Hamish, mon petit-neveu est à bord de l'Intrépide. Si je relève Harrington, je lui envoie exactement le message contraire à ce que je veux faire savoir quant aux obligations d'un officier. Et d'ailleurs tous les officiers de la Flotte en tireront la même conclusion.

  Tout à fait.

  Nom de Dieu! soupira Webster. Je suis Premier Lord des Forces spatiales, ce n'est pas à moi de juger ce qu'il faut faire d'un foutu capitaine de frégate ! »

Alexander fronça les sourcils et retomba dans la contemplation du bout de sa botte; Webster inclina encore davantage son fauteuil en arrière. Il connaissait cette expression.

  Écoutez, Jim, dit enfin Alexander. Je suis moins gradé que vous, je le sais, mais il me semble que nous devons à cette Harrington un vote de remerciement, pas une claque dans les gencives. Pour la première fois, nous avons un officier au poste de Basilic qui est prêt à secouer le cocotier pour faire son travail.

  Ça me plaît. Ça me plaît même foutrement plus que ce qui se passait jusqu'ici, et à vous aussi. Elle fait quelques vagues et elle en remet certains à leur place ? Parfait. Même Janacek ne peut modifier la mission de la Flotte à Basilic – Dieu merci, sans quoi nous n'y serions plus depuis longtemps. Mais si nous approuvons ce qu'elle fait, nous ne pouvons pas en même temps lui tirer le tapis sous les pieds. » Il se tut un instant. « Vous m'avez fait toute une tartine sur ceux qui se plaignent d'elle, mais qu'est-ce que les gens de Basilic en disent, eux?

  Michel Reynaud et ceux du SAC sont aux anges, répondit Webster à contrecœur. J'ai deux ou trois rapports enthousiastes de Reynaud sur un certain lieutenant Venizelos qu'elle lui a affecté. Notez que ce Venizelos doit être du genre cinglé si la moitié de ce que disent les Havriens est exact, mais Reynaud l'apprécie. Quant à Estelle Matsuko, elle a l'air convaincue qu'Harrington pourrait traverser la baie Jason sans se mouiller les chaussures. Elle était tellement écœurée par les précédents commandants dû poste qu'elle avait renoncé à se plaindre; aujourd'hui, je reçois des lettres de remerciement pour notre "excellente coopération" !

  Eh bien, ça devrait vous indiquer la marche à suivre, non ?

  Donc, selon vous, je devrais ne pas intervenir, tout simplement. » Ce n'était pas une question.

« Un peu, oui! Basilic est la honte de Manticore depuis que nous nous y sommes installés. Il est plus que temps que quelqu'un y mette son grain de sel; pas impossible que ça mène à repenser toute la question.

  Est-ce bien le moment? » Webster paraissait soucieux et Alexander haussa les épaules.

« Si vous voulez, je sonderai Willie sur le sujet et je vous donnerai sa réponse, mais je pense que Cromarty dirait oui. Pendant des années, nous avons refusé d'attaquer le problème de front à cause de la "situation politique" et il n'a fait que s'aggraver. Les conservateurs vont sûrement ronchonner et grincer des dents, et les libéraux aussi, mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Les conservateurs peuvent toujours courir après leur cher isolement si nous ne nous accrochons pas bec et ongles à ce terminus, et les libéraux ne peuvent pas protéger les Médusiens de la contamination extraplanétaire si nous ne surveillons pas le trafic espace-planète. Pour la première fois, nous avons un officier au poste de Basilic qui a le cran nécessaire pour le leur faire comprendre, et, s'ils essayent de lui mettre des bâtons dans les roues, la Chambre des Communes les bloquera aussitôt. Moi, je dis qu'il faut foncer, et je pense que Willie sera du même avis.

  J'espère que vous ne vous trompez pas », dit Webster. H se leva, poussa de la main les puces dans le tiroir de son bureau, puis tapota Alexander sur l'épaule. « Je l'espère vraiment, parce que, que vous ayez raison ou non du point de vue politique, je sais comme vous que vous avez raison du point de vue du service. »

H regarda la pendule murale et sourit joyeusement.

« Je vois qu'il est presque l'heure du déjeuner. Vous voulez m'accompagner à la salle à manger des officiers généraux ? Je crois que deux ou trois verres bien tassés m'aideraient à me débarrasser du goût que me laisse la politique dans la bouche. »




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